Par Nicolas Derouet, directeur de casting
Il y a une réalité que nous ne pouvons plus ignorer : la France, malgré la puissance de son industrie audiovisuelle, est de moins en moins sollicitée pour les tournages internationaux. Un paradoxe, quand on connaît la richesse de notre patrimoine culturel, l’excellence de nos techniciens, et la renommée mondiale de notre savoir-faire.
Et pourtant.
Un constat inquiétant pour 2025
À l’heure où j’écris ces lignes, les projections pour l’année 2025 ne sont pas à la hauteur de notre potentiel. Trop peu de projets prévus, pas de grandes nouvelles séries internationales tournées à Paris, et une présence étrangère quasi inexistante sur nos plateaux.

Synthèse
- Pic historique en 2022 avec un quasi-milliard d’euros engagés par les tournages internationaux.
- Renforcement des co-productions : 50 % du volume en 2022.
- Risque amer pour 2025 : pénurie de nouveaux projets internationaux, malgré des infrastructures et des dispositifs clés (TRIP, studios, VFX).
Pourquoi ? Le coût du travail en France est un frein majeur. Les productions se tournent vers des pays plus compétitifs, comme la Belgique, qui applique une politique d’incitation fiscale offensive, ou vers l’Europe de l’Est, où les coûts sont drastiquement plus bas. Le combat est inégal… et la France n’a pas encore sorti ses meilleures cartes.
Et pourtant, le désir de France est bien réel
Nos séries – HPI, Lupin, Emily in Paris – font rayonner notre pays dans le monde entier. Les spectateurs internationaux voient Paris à l’écran, et ils viennent. Le CNC le rappelle : le lien entre fiction et tourisme est prouvé.
Nous sommes donc face à une opportunité. Un soft power culturel immense, dont l’effet se mesure aussi en nombre de billets d’avion, de réservations hôtelières, et de croissance économique. C’est bien plus qu’un décor de carte postale : c’est une marque, un désir, un luxe.
Une industrie d’exception… que le monde oublie de solliciter
Notre système est l’un des plus perfectionnés au monde. Nous avons formé des générations entières de professionnels : chefs opérateurs, costumiers, constructeurs de décors, agents artistiques… Notre organisation est solide, structurée, et pourtant sous-utilisée.
Nous devons agir. Faire revenir les tournages étrangers en France n’est pas une lubie nostalgique. C’est une nécessité stratégique. C’est aussi l’occasion de redonner du souffle à nos talents, et de revaloriser notre patrimoine industriel et artistique.
« Choose France » pour le cinéma et les séries
Il est temps de proposer un vrai plan d’action. À l’image du programme « Choose France » pour l’industrie, nous devons :
- Redonner envie aux productions étrangères de venir tourner ici : par des mesures fiscales ciblées, mais aussi en racontant ce que la France peut leur offrir que d’autres ne peuvent pas.
- Mobiliser nos sujets nationaux : nos récits, notre Histoire, nos territoires encore sous-exploités.
- Mettre en avant notre singularité : la France ne sera jamais la moins chère. Mais elle peut rester la plus désirable.
Et c’est justement ce que j’ai voulu montrer dans mon analyse du succès de HPI :
👉 Comment HPI est devenu un succès mondial
Le luxe français : un argument d’attractivité
Ce que nous avons de plus précieux, c’est notre image de luxe. Nos séries le reflètent. Nos paysages, notre langue, notre façon de filmer, de diriger les comédiens, tout parle d’excellence, de précision, de raffinement.
C’est cette image qu’il faut réactiver, réaffirmer. Oui, tourner en France, c’est plus cher. Mais c’est mieux, plus exigeant, plus ambitieux. C’est du cinéma haut de gamme.
Alors à nous, professionnels, décideurs, artistes, de faire renaître l’envie. De redonner à la France sa place sur l’échiquier international.
Parce que la France ne doit pas seulement être regardée.
Elle doit être filmée.