Image de la série Téhéran.
Dire que la télévision israélienne est profondément influencée par les tensions sociopolitiques au Moyen-Orient est un euphémisme. Non seulement elle reflète souvent les conflits régionaux, mais après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et la guerre de Gaza, les productions se sont arrêtées. De nombreux professionnels de l’industrie ont rejoint les réserves de l’armée ou ont participé aux efforts de secours. Et, les grandes chaînes, comme Keshet 12, se sont massivement réorientées vers les programmes d’informations. Pourtant, l’industrie audio-visuelle israélienne s’est toujours inspirée de ces conflits pour produire des films et des séries à couper le souffle.
L’essor de l’industrie télévisuelle israélienne
Malgré—ou peut-être à cause de—cet environnement géopolitique dramatique, la télévision israélienne a connu un succès international remarquable. Des séries comme Fauda, Tehran et Shtisel ont dépeint avec un réalisme frappant les conflits du point de vue de l’État hébreu. Fauda, qui suit des agents israéliens sous couverture, expose la complexité du conflit israélo-palestinien. Elle favorise l’empathie et la compréhension chez les téléspectateurs. Téhéran, un thriller d’espionnage sur Apple TV+, suit un agent du Mossad en Iran tout en explorant des tensions géopolitiques complexes. Quant à Shtisel, cette série qui décrit la vie d’une famille ultra-orthodoxe à Jérusalem, est devenue un succès mondial sur Netflix. Ces réussites internationales ont favorisé l’essor d’autres productions à l’étranger telles que Miguel ou The Lesson (toutes deux primées au festival Canneseries).
L’impact du conflit actuel sur la production cinématographique en Israël
L’exemple le plus emblématique de l’impact du conflit sur la production est sans doute celui de Fauda. Après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, la production a été suspendue pendant plusieurs mois. De plus, des acteurs et des membres de l’équipe de tournage sont retournés à leur service militaire, et le producteur Matan Meir a tragiquement perdu la vie en servant à Gaza. Et la cinquième saison, validée en septembre 2023, a nécessité une réécriture complète en réponse aux événements. Le producteur Benasuly a expliqué : « Nous avons tout jeté et recommencé, car cela semblait complètement hors de propos après ce qui s’était passé. »
Comment la guerre façonne les scénarios de la télévision israélienne
La guerre a façonné la télévision israélienne. Plus encore que la mise en avant de héros, elle raconte des récits de personnes complexes, empreints de profondeur émotionnelle tout en jetant un œil critique sur la société israélienne. On peut penser à la série Our Boys. Cette dernière explore l’impact de la violence sur les familles et la société mais elle reflète aussi des tensions sociétales plus larges. Elle examine comment les tragédies personnelles dans le conflit israélo-palestinien contribuent aux cycles de haine et de division. De même, Valley of Tears, qui se déroule pendant la guerre du Yom Kippour de 1973, dépeint les expériences traumatiques des soldats tout en abordant les divisions ethniques internes à Israël, comme celles entre Juifs ashkénazes et mizrahis.
Alors que le conflit se poursuit, les producteurs de télévision naviguent désormais dans un équilibre délicat : offrir un échappatoire nécessaire tout en reflétant honnêtement les réalités actuelles. L’industrie audiovisuelle doit continuer de jouer son rôle cathartique et de ciment de l’unité nationale. Pour autant, sa mission d’analyse de la société conserve une importance cruciale : traiter les traumatismes collectifs, remettre en question les perspectives et maintenir le dialogue culturel, voilà des objectifs ambitieux mais indispensables pour œuvrer à la paix dans cette région. Pour en savoir plus ou partager vos réflexions sur l’influence du conflit sur la télévision israélienne, n’hésitez pas à me contacter (nicolas@mrnicolasderouet.com).